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« Youth », de Paolo Sorrentino, ou la montagne magique

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"Youth", de Paolo Sorrentino - l'École des lettresAprès la Rome décadente, futile et vaine de La Grande Bellezza, les personnages de Youth passent des vacances dans un luxueux hôtel au pied des Alpes suisses, et font penser aux pensionnaires du sanatorium de Thomas Mann.

Il s’agit d’un groupe hétéroclite, qui mêle deux catégories de personnages : les jeunes, plutôt mélancoliques – la fille du compositeur, le jeune acteur – et les vieux, tout aussi désenchantés.

En particulier deux octogénaires, amis ou amants : un chef d’orchestre (Michael Caine) qui, depuis longtemps, a renoncé à son métier. Et un cinéaste (Harvey Keitel) qui, lui, persiste, en compagnie d’assistants fidèles, à préparer son « film testament » que devrait interpréter sa star favorite.

 

Un hommage au cinéma italien

Tout en ayant pour souci majeur, chaque jour, de réussir à pisser, les deux complices de toujours aiment à observer les autres clients de l’hôtel et échangent, avec un humour ravageur, des souvenirs, des maximes, des épigrammes.

Le film est dédié par Paolo Sorrentino à Francesco Rosi, cinéaste de référence non seulement dans son pays, mais aussi pour des cinéastes d’origine italienne comme Martin Scorsese. Selon Rosi, le temps qui passe est le thème essentiel, le temps qui reste à chacun de nous et le style avec lequel il le passe.

Dans Youth, la reine d’Angleterre anoblit le grand compositeur et chef d’orchestre à la retraite qui, avec une élégance naturelle, donne le ton de ce film musical, véritable symphonie composée de mouvements en crescendo comme le concert des clochettes et des vaches, celui des coucous suisses dans l’horlogerie, et le concert final devant la reine.

Youth est un hommage au cinéma italien, au cinéma tout court, à l’art comme raison de vivre et de mourir, à la fiction, à l’imagination, aux émotions et aux désirs qui sont « tout ce que nous avons ».

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Le cinéma comme métaphore

Un film métaphorique avec le cinéma comme métaphore. La vie est-elle autre chose qu’une illusion ? Après tout ne sommes-nous pas tous des marionnettes dont chacune finit à la trappe, à tour de rôle, des figurants dans la grande comédie humaine ? Comme Sophia Loren ou Giulietta Massina le deviennent en apparaissant furtivement derrière un personnage secondaire. Comme ce metteur en scène qui est lui-même personnage et croit tirer les ficelles, tiré de son illusion par la comédienne Brenda Morel, la star qu’il a engagée pour son prochain film.

Elle refusera le rôle au profit d’une série télé plus rémunératrice, donnant à Jane Fonda l’occasion d’un superbe numéro inspiré des mélos tragiques de Robert Aldrich (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, Faut-il tuer Sister George, Le Démon des femmes) ou de Billy Wilder (Sunset boulevard). Le cinéma est mort. C’est la télévision qui tient le haut du pavé.

Quant au chef d’orchestre, il rêve de retrouver sa femme et interprète, Mélanie, qui avait chanté son fameux morceau Simples moments. Mais Mélanie est hors d’atteinte, enfermée dans une maladie mentale et dans une clinique. Son nom est d’ailleurs la noire, la mort.

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À la recherche du temps perdu

Cette œuvre légère et profonde, aux dialogues ciselés, aux acteurs parfaits, se distingue par une mise en scène d’une totale harmonie. C’est une sublime élégie au temps qui passe, à la vie qui s’en va. Quand tout espoir est aboli, seul subsiste le souvenir ému d’un amour de jeunesse, comme celui qui hante l’anti-héros revenu de tout de La Grande Bellezza.

Les deux vieillards évoquent une jeune fille pour l’amour de laquelle ils auraient tout donné : un amour chaste et pur qui les a littéralement charmés.

Très proustien, magique, le film de Sorrentino nous entraîne à la recherche du temps perdu et des jeunes filles en fleur. Avec un style inimitable.

Anne-Marie Baron

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